Petit pêcheur, pêcheur côtier, voilà comment la nomenclature officielle française les nomme. Petit parce qu'ils partent pour quelques heures, à la journée, la marée. Parce que cette pêche se pratique près de chez eux, sur de petits bateaux, dans des lieux qu'ils connaissent comme leur poche.
En images, il n'y a pas de chaluts ras la gueule de poissons, d'équipages usés par les journées passées en mer, ou de photogéniques déferlantes qui arrosent le pont et les marins, au large. Il y a seulement la mer. La mer, noire, bleue, verte, lisse, ondulée, jamais la même ; invariablement dangereuse, mais la moins remarquable possible.
Cette petite pêche ne se prête pas aux envolées lyriques. Elle se passe souvent sans témoin. Ces marins naviguent le plus souvent seul(e)s sur leur coquille de noix. Ils pêchent à la ligne, au casier, au filet droit, en plongée même parfois.
Il ne s’agit pas ici de les opposer aux pêcheurs sur des chalutiers ou de plus gros bateaux, mais de montrer une réalité humaine. Ces petits pêcheurs ont beau représenter la grande majorité des pêcheurs hexagonaux, leur poids économique, politique et médiatique restent minimes. En effet, la flotte de pêche française est composée à 86 % de navires dont la longueur ne dépasse pas 12 mètres (ministère du développement durable, 2024). Mais ces navires ne débarquent qu’une toute petite partie des captures.
Bien sûr, Small is not always beautiful, mais avec leurs techniques de pêche moins impactantes sur les océans, la proximité des zones de navigation, des embarcations petites et donc moins énergivores, une diversité des prises, ils tentent de pêchent en minimisant les impacts environnementaux, maximisant la valorisation et générant le maximum d’emplois au regard de la ressource naturelle limitée.
Alors que de nombreuses menaces pèsent sur eux ( pannes fréquentes en raison de l’âge élevé des navires, difficile accès aux bateaux ou encore aux licences et aux quotas, effondrement de la ressource, concurrence pour l'accès au littoral,etc), cette série est une tentative de regard vers ces hommes et femmes qui participent quotidiennement à un littoral vivant et à notre souveraineté alimentaire.

Il est 5 heures du matin. Le jour n'est pas levé lorsque le Zébulon, un petit bateau de 8, 20 mètres, quitte le port de Kérity (Finistère) pour relever ses casiers. On ne distingue rien dans la pénombre.

Matthieu, marin-pêcheur d'une trentaine d'années, et patron du Zébulon. Il n'a que quelques centaines de mètres à faire pour accéder à ses lieux de pêche. Matthieu connaît ses coins par cœur. Il est d'ici : Penmarc'h. Sur son petit bateau, il ne part jamais plus d'une journée en mer. Il vend du poisson frais, tous les jours. Il peut aussi rentrer chaque jour pour retrouver sa famille.


Dans la timonerie du Zébulon, un navire de plus de 30 ans. Cela n'a rien d'exceptionnel. En France, les bateaux de pêche ont en moyenne, 31 ans.




Ondine Morin, marin-pêcheur sur l'ile de Ouessant. C'est une des rares femmes marin- pêcheur. Comme Mathieu et Thomas, elle pratique la petite pêche. Elle part le matin et rentre le soir. Une partie du poisson est même vendue en direct aux consommateurs.




Ci dessous, Scarlette Le Corre, Le Guilvinec, l'une des premières femmes patron-pêcheur en France. Jusqu'en 1963, la profession était interdite aux femmes.
Ci-contre, son bateau Mon Copain JP (du nom de son mari). C'est le plus petit du port Guilvinec. Il fait 6 mètres, une « coquille de noix ». Elle ne peut pas s'aventurer au large avec un tel bateau. Et elle n'en a pas le droit

Romain, jeune patron-pêcheur à Concarneau. La petite pêche se pratique près du port de départ, près de la côte. Même si ces pêcheurs ne vont pas loin. C'est un métier dangereux. En novembre 2022, Romain a perdu son fileyeur, l'Océane, sur un rocher, après une panne de moteur. Ces hommes et ces femmes risquent leur vie pour nous nourrir. Le métier de marin-pêcheur figure parmi les plus dangereux en France.





Thomas, ligneur à Audierne (Finistère). Il remonte les poissons un par un sur le bateau. Thomas navigue seul sur le Vertigo. Avant lui, son père et son grand-père étaient marins-pêcheurs.

Cale de mise à l'eau, île de Molène. Avec Sein, ces îles finistériennes étaient historiquement de grandes pourvoyeuses de pêcheurs. A Molène, il n'y a plus que deux bateaux. Sur l'île de Sein, François Spinec, 74 ans, est longtemps resté le dernier marin-pêcheur.
Au delà d'un simple métier, ces hommes et ces femmes conservent des savoirs transmis entre générations, Cette petite pêche représente aussi une culture, visible notamment dans la toponymie maritime. Certains connaissant le nom de rochers ne figurant pas sur la plus détaillée des cartes marines.