
Extraits : « je m'appelle Laurent et je suis aidant. Avec ma femme, Christine, nous nous occupons de notre fils, Loris. Sans structure adaptée à sa pathologie, il partage notre vie 24 h sur 24, 7 jours sur 7... Tous ses déplacements doivent être sécurisés et accompagnés. Sujet à des crises violentes, il peut chuter et subir de graves traumatismes. Mais ce qui caractérise Loris, c'est sa grande propension à la tendresse. Sans cesse en demande, il nous couvre de baisers du matin au soir. Un grand bébé dépendant de nous pour tout...Notre vie est une suite de journées toutes identiques. Et nous passons nos nuits à nous relayer auprès de Loris pour le sécuriser. Changer Loris plusieurs fois par jour, lui faire sa toilette, l'habiller, lui donner à manger. Qui d'autre que nous ses parents pourrait accomplir toutes ces tâches ? Ce qui m'inquiète le plus c'est que Loris nous survive. Où va-t-il aller ? Qui va s'en occuper ? Comment ?... Christine et moi n'avions pas pris conscience de notre degré d'implication auprès de Loris jusqu'à l'évaluation de notre situation par un travailleur social de la MDPH. Conformément à la réglementation pour la MDPH, je ne suis aidant qu'à partir de 14h30 puisque le matin je suis à mon poste de travail et non auprès de Loris. Certes, pourtant moi je me sens occupé en permanence. Aussitôt sorti du boulot ou les week-ends, je dois enfiler ma casquette d'aidant et prendre le relais. Lorsque je suis en congés, je m'occupe de mon fils puisque ce sont les seules périodes où Christine peut vraiment prendre du temps pour elle sans aucune contrainte horaire. Etre aidants pour nous, parents d'un enfant dépendant devenu adulte, c'est être disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par an....Etre aidants, c'est d'abord vivre dans l'isolement, faire face seuls à la maladie, au handicap. L'isolement, c'est renoncer à toute vie professionnelle comme a dû le faire Christine. L'isolement c'est aussi l'incompréhension des proches quant à la nécessité de s'occuper de Loris en permanence. Etre aidants c'est une vie que vous consacrez à l'autre en faisant abstraction de la vôtre. Même si tous les aidants sont différents, en me documentant, je lisais que la charge ressentie, le fardeau, sont les mêmes. Ce fardeau faisant des aidants les victimes collatérales de la maladie ou du handicap du proche aidé. Je suis quelqu'un qui aime aider les gens, donc lorsque j'ai constaté que le répit n'existait pas pour nous, tous les aidants, j'ai agi pour répondre à cet oubli. Je m'en suis servi comme exutoire à ma situation. Et j'ai créé l'Association des Aidants Familiaux du Finistère. »

« En six ans, je n’ai pas eu un seul week-end et je n’ai pas pris de vacances. De 2012 à 2018, j’ai soutenu successivement mes parents. Mon papa était gravement malade. Lors de ses hospitalisations, je passais le voir quotidiennement avant d'aller à mon travail, tout en soutenant maman. Lorsque celui-ci est décédé en 2014, je me suis alors occupée de maman. Je travaillais de nuit à l’époque et je me revois encore arriver sur mon lieu de travail, au bord des larmes, et aller me cacher dans les toilettes pour craquer. Avec ma maman, nous avions un lien extrêmement fort. Chaque jour, je l'aidais à gérer son quotidien (courses, rendez-vous médicaux) ; et j'allais la voir lors de ses hospitalisations. J'étais avant tout sa fille mais aussi sa “psy”, son aide-ménagère, son amie, son soutien. Je tenais aussi le rôle de l'infirmière et faisais sa toilette. Maman était la première à me dire, « Tu es fatiguée. Viens un peu moins souvent me voir, repose
toi». Mais elle m'appelait tous les jours. J'ai quatre frères mais j'étais seule pour aider maman. J'ai mis ma vie entre parenthèses, à tous les niveaux, y compris ma vie amoureuse. Tout ça, c'était par amour. 50 000 fois je me suis dit que je n’en pouvais plus mais il était hors de question d’abandonner maman. Je faisais « la forte » devant elle. Je me reposais un peu l'après-midi pour récupérer mais rien n’y faisait. Je ne tenais plus le coup : amaigrissement, stress, pleurs, insomnie, fatigue excessive m'ont rendue malade. A la suite de multiples arrêts de travail, j'ai été mise en invalidité après 21 ans de travail de nuit. Je sais que cela ne se voit pas et je sens que bien trop souvent les gens ne comprennent pas. Je ne me suis jamais estimée aidante. C’était de l’amour. La première et la seule fois en six ans, où l'on m’a demandé : " Et vous, comment allez-vous ? ". C'était un psychologue qui s'occupait de maman, au centre de rééducation de Bénodet, où elle était hospitalisée. J'étais très étonnée et j'ai craqué. Il m'a parlé de ce que j'étais : une aidante. C'est la première fois que j'entendais ce mot pour désigner tout ce que je faisais pour maman. Pour moi je n'étais pas une aidante “légale”. Le terme a un côté médical et je faisais tout ça par amour. Le temps et l'énergie que j'ai consacrés à la vie de ma maman, ça ne compte pas. Quand maman est décédée, il y a eu un vide soudain, énorme, toujours là malgré tout. Personne ne m'a jamais demandé si j'avais besoin d'aide, ni pendant ces années où j'ai mis ma vie de côté, ni après. Personne ne se rend compte de l'investissement que cela a été, hormis celles et ceux qui vivent ou ont vécu la même chose et qui connaissent les conséquences d'un tel poids sur les épaules.Je suis allée très loin, au-delà de mes limites, trop loin, jusqu'au moment où la tête ne suit plus. Ce vécu représente une grosse cassure. Je suis toujours en reconstruction. » Isabelle.
toi». Mais elle m'appelait tous les jours. J'ai quatre frères mais j'étais seule pour aider maman. J'ai mis ma vie entre parenthèses, à tous les niveaux, y compris ma vie amoureuse. Tout ça, c'était par amour. 50 000 fois je me suis dit que je n’en pouvais plus mais il était hors de question d’abandonner maman. Je faisais « la forte » devant elle. Je me reposais un peu l'après-midi pour récupérer mais rien n’y faisait. Je ne tenais plus le coup : amaigrissement, stress, pleurs, insomnie, fatigue excessive m'ont rendue malade. A la suite de multiples arrêts de travail, j'ai été mise en invalidité après 21 ans de travail de nuit. Je sais que cela ne se voit pas et je sens que bien trop souvent les gens ne comprennent pas. Je ne me suis jamais estimée aidante. C’était de l’amour. La première et la seule fois en six ans, où l'on m’a demandé : " Et vous, comment allez-vous ? ". C'était un psychologue qui s'occupait de maman, au centre de rééducation de Bénodet, où elle était hospitalisée. J'étais très étonnée et j'ai craqué. Il m'a parlé de ce que j'étais : une aidante. C'est la première fois que j'entendais ce mot pour désigner tout ce que je faisais pour maman. Pour moi je n'étais pas une aidante “légale”. Le terme a un côté médical et je faisais tout ça par amour. Le temps et l'énergie que j'ai consacrés à la vie de ma maman, ça ne compte pas. Quand maman est décédée, il y a eu un vide soudain, énorme, toujours là malgré tout. Personne ne m'a jamais demandé si j'avais besoin d'aide, ni pendant ces années où j'ai mis ma vie de côté, ni après. Personne ne se rend compte de l'investissement que cela a été, hormis celles et ceux qui vivent ou ont vécu la même chose et qui connaissent les conséquences d'un tel poids sur les épaules.Je suis allée très loin, au-delà de mes limites, trop loin, jusqu'au moment où la tête ne suit plus. Ce vécu représente une grosse cassure. Je suis toujours en reconstruction. » Isabelle.

« Nous sommes influencés par différents facteurs : culturels, familiaux, de genre et notre propre expérience. J'ai baigné dans une culture italienne avec plusieurs générations sous le même toit. J'ai grandi avec pour référence ma tante qui ne travaillait pas mais qui prenait soin de sa mère, en situation de handicap. Je ne l'ai jamais vue fatiguée, mais elle ne menait pas de front vie professionnelle et accompagnement. De mes yeux d'enfant, ce soutien familial paraissait normal et joyeux. Le jour où je me suis sentie dans la posture de l'aidant, c'est lorsque un jeune qui réalisait une thèse sur le sujet m'a posé des question sur mon organisation et le soutien que j'apportais à ma maman. Il m'a annoncé en conclusion, « vous aussi, êtes une aidante invisible. » Ca m'a bousculée. Le mot ne me parle toujours pas mais je l'endosse s'il faut rentrer dans une case. Pour parler de nous, je préfère parler de « proche aimante ». Il y a beaucoup de personnes qui ne comprennent pas qu'on puisse être proche aimante justement à distance, comme c'est mon cas. Pourtant je reste persuadée que nous sommes nombreux à ne pas vivre à proximité de l'aidé. Devenir aidante commence par l'annonce de la maladie. Ca marque un avant et un après dans l'histoire. J'ai appris le diagnostic, Alzheimer, par un document écrit. On entend qu'il n'y a pas de traitement. Quel choc, quelle tristesse. Au début, je pleurais beaucoup. Cette maladie fait peur, on ne voit que la fin, alors qu'il y a différents stades. J'ai pu dédramatiser avec mon emploi au sein d'une équipe spécialisée Alzheimer. Je prête plus attention maintenant au moment présent. Certains symptômes de la maladie mettent du temps à s'installer. C'est un grand bonheur de profiter de chaque instant ensemble. Lors d'une visite à ma maman, dans le Sud de la France, nous avons rencontré des aides à domicile et mis en place ces interventions. Je m'appuie sur elles et l'entourage de maman, ses voisines, ses amies. Ca demande une sacrée organisation. Moi mon rôle à distance peut se résumer à répéter, répéter, En général, jusqu'à 18h30 environ, l'organisation tient plus ou moins. Ensuite, le plus important c'est que ma mère dorme. L'alarme de mon téléphone sonne tous les jours à 18h45 et je l'appelle. La première chose que je demande à maman, c'est appuyer sur la touche verte du téléphone pour allumer le haut parleur. A distance, nous faisons ensemble, la douche, le repas et le coucher. Je ne lâche jamais ce moment-là. Sinon maman peut « glisser » et ne pas aller dormir. A distance reste par contre, l'appel que l'on redoute, le coup de téléphone pour un problème. C'est aussi pour ça que j'ai quitté mon poste et choisi de créer mon entreprise. Il y a peu, ça m'a permis de passer deux mois dans le Sud de la France, chez ma maman, de faire le point sur l'organisation. Nous avons une relation privilégiée. J'ai reçu beaucoup d'amour. C'est ce qui nous mobilise. Sur place, j'ai tenté de gérer à la fois le personnel et le professionnel, mais j'ai vite arrêté. Quand je suis revenue en Bretagne, je me sentais comme en décalage horaire. J'avais des obligations, mais je n'ai pas pu reprendre immédiatement. Il m'a fallu du temps pour passer d'un monde à un autre.» Eve.

« Ce que l’on fait, c’est naturel. On est juste accompagnants. On tricote notre vie avec le handicap. On n’a jamais caché quoi que ce soit. Parfois il y a des trous dans la raquette, mais on y met aussi de la couleur, de la joie. On sort, on essaie plein de choses. On ne se sent pas isolés. Notre fils, Steven, a été pris en charge dès sa naissance. Nous n’avons pas eu d’épée de Damoclès par rapport à une absence de place en structure ou un long délai d’attente. Ça n’empêche qu’il y a eu des moments difficiles. Émotionnellement, c'est très dur de voir son enfant partir, petit, plusieurs jours. Il faut faire confiance aux professionnels, mais qui sait mieux que ses parents, ce qui est bon pour son enfant. Et il y a ce sentiment d'arrachement, de vide. Aujourd’hui, Steven est en foyer médicalisé pour adultes. Il a construit sa vie ainsi, avec ses amis. On est aidants comme on dit, quand il rentre le week-end et pendant les vacances. L’entourage, même très proche, ne se rend pas compte de tout ce que ça implique. A la maison, je suis alors en situation d’alerte 24 heures sur 24. Steven ne souhaite pas qu'une tierce personne vienne le matin pour les soins. Ce serait encore une contrainte horaire. Il accepte déjà tellement de choses au quotidien. On respecte ça et on n’a pas d’infirmière le matin. A domicile, on vit à son rythme. On l’accompagne dans tous les gestes du quotidien (le lever, la toilette, l'habillage...) et parfois l’aide au repas lorsqu’il manque de force. La nuit, je suis sur le qui-vive, attentive aux moindres bruits, à sa respiration, à ses plaintes, ses demandes. Son papa a été obligé de modifier ses horaires de travail et passer à 80 % pour avoir son lundi et accompagner Steven dans son foyer. Ça représente une perte de salaire qui n’est pas compensée et les charges financières sont toujours les mêmes. Parfois on est fatigué, épuisé, on a juste envie d’être chouchoutés à notre tour, d’avoir du temps pour nous, pour souffler. Steven va avoir 34 ans et nous, on vieillit ! Installer un fauteuil dans une voiture ou simplement le pousser, c’est très lourd, ça épuise les corps. Surtout que le quotidien ressemble parfois à un parcours du combattant, même dans notre commune rurale. Les trottoirs sont étroits voire impraticables. Les voitures sont garées à cheval dessus. Les personnes ne voient pas le mal et les difficultés qu’elles créent. Et les pouvoirs publics n’en font pas assez. Physiquement c’est dur, j’ai des douleurs partout. Lorsque l’on part en vacances, on sort de chez soi. Steven est content, on passe de bons moments, ça fait du bien à tout le monde. Quand on rentre, on est crevé. La charge mentale est énorme. C’est du non stop ; pousser le fauteuil toute la journée, dans des lieux qu’on ne connait pas, qui ne sont pas toujours adaptés. Notre vie de famille s'est construite avec et autour du handicap, cela a également impacté la vie de son frère. Ça use physiquement et mentalement. Je travaille dans l’animation auprès de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Je suis en arrêt de travail depuis deux ans. C’est surement l’accumulation, famille et travail. Il faut que j'apprenne à lâcher prise avec le quotidien. » Françoise et Jean-Yves, les parents de Steven.

Etre aidant c'est donner de l'amour au quotidien
« Je suis malvoyante. Après avoir passé ma vie dans l'ombre du domicile de mes parents, j'apprends depuis leur décès et mon déménagement à exister. Entreprendre ce travail a mon âge n'est pas chose facile mais je me dis qu'il n est jamais trop tard pour prendre en main son destin et son bonheur.
Depuis deux ans, grâce à Christine, je rencontre des personnes, je me fais des ami(e)s, je fais du sport de la danse bretonne, de la dentelle et plein de choses qui me permettent de m'exprimer et qui me donnent goût à la vie. Quand je suis avec elle, je me sens en sécurité. Elle a toujours été là pour me protéger. Depuis toute petite, elle est à mes côtés et elle a toujours cru en moi, en mes capacités, contrairement aux autres. Elle me pousse à apprendre de nouvelles choses et à dépasser mon handicap et surtout elle m'a libérée. Je vais même prochainement emménager dans une petite maison, toute seule. C'est un nouveau pas vers l'autonomie. Christine, c'est mon ange gardien. »
Véronique.
« Depuis la naissance de Véronique, un lien inconditionnel et éternel s'est créé entre nous. Toute petite déjà, je me suis promise d'être à ses côtés et de la protéger. Aujourd'hui, plus que jamais, elle a besoin de moi pour l'accompagner dans cette nouvelle période de sa vie, vers plus d'autonomie, qu'elle puisse vivre la vie
qu'elle mérite. Je me dois de lui donner toute mon énergie. Etre aidante, c'est aussi des hauts et des bas, des doutes parfois, voire des retours en arrière. Mais c'est aussi et surtout beaucoup d'amour qui m'aide à avancer pour l'aider. Etre aidante c'est donner de l'amour au quotidien, l'aider à avancer dans la vie, l'aimer, la rassurer, l'orienter,
l'accompagner vers son indépendance et la protéger. »
qu'elle mérite. Je me dois de lui donner toute mon énergie. Etre aidante, c'est aussi des hauts et des bas, des doutes parfois, voire des retours en arrière. Mais c'est aussi et surtout beaucoup d'amour qui m'aide à avancer pour l'aider. Etre aidante c'est donner de l'amour au quotidien, l'aider à avancer dans la vie, l'aimer, la rassurer, l'orienter,
l'accompagner vers son indépendance et la protéger. »
Christine.

« La maladie de mon mari, un cancer inopérable, a été diagnostiquée fin 2019. A la maison, ce fut comme un bombardement. Une horreur est entrée dans nos vies, à moi et celles de mes quatre enfants, leurs compagnons, mes sept petits-enfants. Tout à coup, c’était le tourbillon des ambulances, la course pour les examens, les rendez-vous médicaux, sans parler des heures passées aux urgences. Dans ces moments, on s’oublie totalement. On vit pour l’autre, on ne pense plus qu’à l’autre. Mes enfants et petits-enfants ont été d’une présence sans faille. Mais, ils travaillaient et le Covid a compliqué les choses. La moindre absence était terrible. J’avais peur qu’il lui arrive quelque chose dès que je partais faire des courses. Mon mari, ancien infirmier, refusait que quelqu’un d’autre s’occupe de lui. Des infirmiers venaient pour des soins et nous avions deux heures avec des aides à domicile pour le ménage, financée par l’Allocation Personnalisée d’Autonomie. Je m'occupais de tout le reste très épaulée par mes enfants. Pendant ces moments difficiles, l’Association des Aidants Familiaux du Sud Finistère (AAFF) a été ma bouffée de répit, ma petite loupiote au fond du cœur. C’est une élue de ma commune qui m’en a parlé la première, peu après l’annonce de la maladie de mon mari. J’ai reçu tout de suite une réponse et un accueil chaleureux. C’est ce qui m’a fait tenir avec mes enfants. Les activités, sophrologie, méditation, ou le groupe de parole me faisaient un bien fou. Le quotidien était très lourd, il y avait de quoi devenir fou. Grâce à l’association, je rigolais, je m’évadais avec eux. Ça m’apaisait un peu. Ensuite je rentrais pour être 100% avec mon mari. A la fin, c’était très dur. Je ne dormais même plus. Mon mari souffrait énormément. Pour ne pas dépasser les doses prescrites par le médecin, je notais dans un carnet, toutes les fois du jour et de la nuit, auxquelles je lui donnais des médicaments contre la douleur. Une de mes filles est venue passer plusieurs nuits à la maison. Elle se disait, « maman ne va pas tenir le coup ». Elle a aussitôt appelé le service oncologie de l’hôpital. Mon mari a été hospitalisé dans la foulée, il est décédé quelques semaines après ; moins de deux ans après le diagnostic. Après son décès, j’ai ressenti énormément de fatigue. L’idée, ne serait ce que de marcher, m’était impossible. J’avais tissé des liens forts à l’AAFF. Quand j’y suis revenue pour la première fois après la mort de mon mari, les membres m’ont accueillie en se mettant tous autour de moi. Je m'en souviens encore. Cela m’a beaucoup touchée. » Béatrice.

« En 2020, le couperet tombe “maladie apparentée Alzheimer”. C'est un coup de massue, nos projets s'écroulent. Nous gardons le secret quelque temps, le temps de digérer sans doute. C'est très difficile pour Paul. Il ne veut pas en parler. « Je suis foutu », dit-il. Quelques mois plus tard, lorsqu'il l'annonce aux enfants et beaux-enfants, quel soulagement pour lui et pour moi aussi. Je ne vais plus avoir besoin de pallier ses manques, de faire comme si tout allait bien. La parole est enfin libérée. L'annonce de cette maladie a été parallèlement une grande délivrance pour moi. Nos “anicroches" de plus en plus fréquentes ont enfin une explication. Non, ce n'est pas du "désamour". C'est la maladie qui modifie le comportement. Savoir ça, le comprendre, c'est un bonheur immense. Nous allons pouvoir continuer notre vie en amoureux. Et il en faut de l’amour pour accompagner son mari atteint de cette “putain” de maladie. Alzheimer fait peur. Osons en parler. Nous avons vite adhéré à France Alzheimer. Ça nous ouvre des portes, pas toujours faciles à franchir. Ensemble, nous sommes comme dans un cocon, en confiance. Je veux aussi tout savoir, tout comprendre, je me documente. Alzheimer est devenu mon livre de chevet. Oui, la maladie a chamboulé nos projets. A la maison, tout est au ralenti. Il faut des repères, répéter sans cesse. Nous avons aussi mis en place quelques services qui nous apportent un soulagement (aides à domicile, passage d'une infirmière, accueil d'une AMP, accueil de jour, séjour de répit). Mais la perte de mémoire a aussi ses avantages : les câlins, les moments de tendresse se multiplient à l'infini. Avec nos enfants, nos petits-enfants, les liens sont encore plus forts. Notre famille est notre force. Et Paul n'est pas la maladie. Il est toujours Paul avec sa gentillesse, son humour, son être entier, toujours volontaire pour les activités nouvelles. Quelle chance. Il a besoin de lien social, toutes les occasions sont bonnes. Passer du temps aux Jardins Partagés, retrouver les amis, se reposer, gratouiller la terre, faire ensemble. Tout seul on désespère, ensemble on va plus loin. Ma grande joie c'est de le voir souriant, heureux lors de ces rencontres. A moi de gérer, d'écourter si la fatigue s'installe. Il peut aussi rester seul à la maison dans la journée, un petit mot posé sur la table le rassure. Que nous réserve la maladie, quelle sera notre vie à tous les deux ? Vivons le moment présent et restons fidèles à notre devise, quand nous parcourions les chemins de Saint-Jacques de Compostelle. Aujourd'hui est un jour, demain sera un autre jour. De toute façon, nous ne pouvons rien changer à cette maladie, elle avance mais ne recule pas, mais elle n’est ni contagieuse, ni la folie. La vie est si fragile, si fragile. Croquons-là tant qu'il est encore temps. » Paul et Marie.

« Ma fille Enora a 10 ans. Elle vit avec moi à temps plein depuis ses 8 ans. Lorsqu'elle a été prise en charge au Centre d’action médico-sociale précoce de Quimper à 2 ans et demi, je me suis mis en stand by professionnellement pendant six mois pour pouvoir l’y accompagner plusieurs fois par semaine. Ça tombait bien, mon CDD se terminait. J’ai enchaîné des missions, à droite à gauche. Par la suite Enora a pu être scolarisée à mi-temps à l’école maternelle de notre commune et à mi-temps dans un Centre médico-psychologique et infantile. Dans la foulée de cette admission, j'ai rempli chaque année un dossier pour qu'elle puisse intégrer un Institut médico-éducatif. La première fois, elle avait 4 ans. Elle n'a eu une place que l'année de ses 7 ans. Entre les deux, le diagnostic d'autisme a été posé. Le minimum, c’est que je lui donne mon maximum. Voilà ma devise. Après le travail, je passais des heures à remplir des dossiers, prendre les rendez-vous médicaux, assurer le suivi par téléphone. J’avais l’impression de ne jamais arrêter. Il ne fallait rien lâcher. Je me souviens d’avoir envoyé un pavé de vingt pages à la MDPH pour expliquer pourquoi Enora avait besoin d’une Auxiliaire de Vie Scolaire. Et tous les ans, il fallait se battre pour que celle-ci ne lui soit pas supprimée.Plus jeune, Enora demandait beaucoup d’attention. Elle était souvent malade et s'exprimait par des pleurs, des cris. Elle n'échangeait pas de regard avec moi. Nous passions parfois des week-ends sans voir personne, chacun dans une sorte de bulle. Le cercle amical s’est aussi beaucoup réduit. Il n'y a plus que la famille pour penser à vous. Ça finit par peser sur le moral. J’ai ressenti une grosse fatigue psychologique.J’avais hâte d'aller travailler pour avoir des interactions. Je me donnais à fond pour me défouler. L’aide de ma famille m'a sorti la tête de l’eau. J’ai eu la chance d’avoir des parents très présents pour garder Enora et me soulager financièrement. Lorsque j’ai été embauché en 2x8, ça impliquait d’avoir trois assistantes maternelles, une le matin, une l'après-midi, une la nuit. Ça a été possible grâce à leur relais. Par la suite, mon employeur a aussi été compréhensif. Tous les mercredis, je garde Enora. Elle se fatigue vite et a besoin de cette pause. Il a fait une exception et accepté que je conserve le même jour de congé en semaine. Par contre, j’ai dû refuser plusieurs fois des promotions, puisque ça impliquait de perdre cet « avantage ». Aujourd’hui Enora va à l’IME quatre jours par semaine. Elle est prise en charge le matin et rentre le soir. J’ai l’impression d’avoir moins de combats à mener. Elle me reconnait, me parle. Notre relation s'est renforcée. Je vis maintenant ce que la plupart des parents vivent avec leurs enfants lorsqu’ils ont 3-4 ans. Le rôle de l’aidant c’est un tout. Autour de ma fille, depuis 8 ans, il y a un monde formidable. Je considère que toutes ces personnes ont été aidantes. Enora a beaucoup évolué, elle sait même lire. Je suis fier d'elle. J’ai aussi beaucoup appris sur moi-même. Ce qui m’a le plus manqué, c'est de partager ce vécu, échanger sur le quotidien, me sentir moins démuni, partager nos solutions ou simplement prendre des nouvelles. J'ai eu beau chercher, je n'ai pas trouvé d'association à l'époque, excepté pour les autistes Asperger. Dommage, ça aurait été d'un grand soutien, notamment pour parler de la solitude que j’ai pu ressentir. » Pierre.

« J’ai 59 ans et je récupère encore. Maman est décédée fin 2021. Pendant quasiment 5 ans, ça a été une attention de tous les instants, de 6h du matin à 21h du soir. J’étais tout proche du burn-out, mais je l'ai caché à tout le monde, de peur qu'elle ne soit placée. Maman avait une maladie neuro-dégénérative très invalidante : l a Paralysie Supra Nucléaire Progressive). La maladie entraîne une paralysie progressive. Maman était prisonnière de son corps en ayant toute sa conscience. La maison familiale des années 70, tout en escaliers, n'était pas adaptée au handicap. L’Ehpad trop cher et surtout maman ne souhaitait pas y aller. Ma maison construite de plain pied disposait d'une chambre libre. J’ai commencé mon histoire d’aidant en l’accueillant tout naturellement chez moi. Etant en invalidité, je disposais de temps pour m'en occuper. Très vite, avec mon frère et maman, nous avons choisi de vendre la maison de mes parents. Cette vente a financé en partie la construction d'une extension médicalisée pour personne à mobilité réduite, attenante à ma maison. Ma priorité, c’était sa dignité et les meilleurs soins possibles. Ici elle avait tout le confort, une chambre avec lit médicalisé, un séjour, une cuisine et une salle de bain adaptées, elle était très bien installée. On s’est organisé avec toute une équipe médicale et des auxiliaires de vie autour d’elle. Tous ont été formidables. Ils m’ont aidé, conseillé, soutenu. Je n’étais pas un professionnel de la santé, j’ai dû apprendre sur le tas, comment mettre une couche, faire des toilettes, effectuer les transferts en fauteuil, etc. Le monde médical et les auxiliaires de vie sont aussi devenus mes seuls contacts journaliers. Quand on devient aidant, on se retrouve vite seul avec soi même et avec toujours beaucoup d'interrogations. On est dans une bulle, plus rien n’existe autour et petit à petit, sans forcément s'en rendre compte, on s'isole et c'est là qu'est le danger. Et puis le handicap coûte cher. L’APA ne finance pas tout. Maman avait une petite retraite, la moitié de celle-ci passait dans l’achat de ses protections. C’était très dur. Mais que se passe-t-il si l’aidant flanche ? Je pouvais me reposer la nuit et heureusement car il fallait que je tienne le coup. Je ne regrette rien de cette expérience et je referais la même chose si c’était à refaire. Nous avons développé un lien très fort, unique. C’était plus que de l’amour. On était en symbiose. Forcément après le décès de maman, la peine a été et reste toujours immense, à la mesure de l'engagement et du lien créé. Après le choc du décès, tout s'arrête brutalement autour de l'aidant, le tourbillon des intervenants au domicile cesse et on se retrouve seul face au silence soudain et inhabituel de la maison. Seul le service d’Hospitalisation à domicile qui a suivi maman avec beaucoup d'attention et de professionnalisme, m’a proposé un suivi psychologique après son décès. Par la suite j'ai eu le projet de proposer une sorte de « maison de secours » pour l’aidant et l’aidé, pour des répits de plusieurs jours chez moi. Lorsque j'ai souhaité faire valoir cette expérience d'aidant auprès du conseil départemental et obtenir de leur part une simple attestation certifiant mon statut d'aidant auprès de ma mère durant cette période, je me suis vu opposer une fin de non recevoir. Et même pour une Validation des acquis de l'expérience, cela n'est pas reconnu. Je vis cela difficilement, comme une véritable injustice et une non reconnaissance de l'aidant. Nous sommes invisibles du début à la fin et même après. » Bruno.

« Nous témoignons de ce que nous vivons ensemble dans cet accompagnement. Je trouve d'ailleurs le terme « accompagnant » plus juste et plus vrai que celui d'aidant. Personnellement, je me pose souvent la question : « et si les rôles étaient inversés, comment aimerais-je être accompagnée ? ». Nous avons toujours essayé d’être dans une certaine transparence. Pour moi, après le diagnostic, la première étape à franchir est d’accepter la maladie. Vient ensuite le moment où je l'annonce à nos proches, nos amis. C’est plus simple quand les gens sont informés. Je me suis sentie moins seule. A la demande de Jean-Yves, nous sommes allés aux rencontre proposées par France Alzheimer. Nous remercions les bénévoles et la psychologue de l'association. Tous nous ont permis de rencontrer d'autres familles, des intervenants extérieurs. Ils nous ont conseillés, accompagnés pour avancer sur des dossiers administratifs pas toujours facile à compléter. Au sein de l'association, nous nous exprimons sans être jugés, nous sommes écoutés et entendus. Nous nous comprenons aussi entre accompagnants car nous vivons la même chose. A cause ou grâce à la maladie, nous avons fait de très belles rencontres. Notre quotidien est rythmé par la maladie. Lorsque vous accompagnez un proche à domicile c'est l'adaptation permanente. Il faut veiller à laisser un maximum d'autonomie et de liberté. Cela prend du temps mais c'est important. Nous laissons les choses apparentes et supprimons ce qui n'est pas indispensable.
Etre à l'écoute et « faire avec »en résumé. Jean-Yves conserve une certaine autonomie, ce qui permet de disposer d'un peu de temps pour faire certaines courses, le ménage ou ne rien faire ! Chaque jour il marche seul. Pour le moment, nous n’avons pas d’intervenant extérieur, excepté une aide médico-psychologique. Sa présence est importante pour nous deux. Jean-Yves se rend aussi un jour par semaine à l'accueil de jour au sein d'un Ehpad. Nous avançons avec la maladie. Elle évolue lentement. Nous savons que c’est un chemin compliqué par les pertes de repères et d’autonomie, un chemin tortueux. Nous mettons tous les atouts de notre côté pour que l’accompagnement soit le plus positif possible. Nous sommes bien entourés par l’association France Alzheimer et le Clic de Quimperlé. Il faut profiter au maximum de tout ce qui est proposé (café mémoire, groupe de parole, séjour vacances...), des expériences et des astuces des autres aidants aussi. Nous pouvons encore faire beaucoup de choses ensemble et profitons de chaque jour. Jean-Yves a beaucoup d’humour. Ça dédramatise et amène de la légèreté. Un pull à l’envers, ce n'‘est pas bien grave !! Et il est toujours attentionné par des paroles affectueuses, des « mercis », et très vigilant concernant mon sommeil surtout. Il ne faut pas se voiler la face. Nous savons que des difficultés il y en a et il y en aura. Heureusement Jean- Yves n’a pas de douleurs physiques. Même si aujourd'hui pour moi c'est un accompagnement dans la sérénité ; comment tenir physiquement dans la durée ? Nous n'avons plus 20 ans. Enfin plus largement, quelle place accordons-nous aux plus fragiles, à l'humain dans nos sociétés.» Marie Jo et Jean-Yves .
Etre à l'écoute et « faire avec »en résumé. Jean-Yves conserve une certaine autonomie, ce qui permet de disposer d'un peu de temps pour faire certaines courses, le ménage ou ne rien faire ! Chaque jour il marche seul. Pour le moment, nous n’avons pas d’intervenant extérieur, excepté une aide médico-psychologique. Sa présence est importante pour nous deux. Jean-Yves se rend aussi un jour par semaine à l'accueil de jour au sein d'un Ehpad. Nous avançons avec la maladie. Elle évolue lentement. Nous savons que c’est un chemin compliqué par les pertes de repères et d’autonomie, un chemin tortueux. Nous mettons tous les atouts de notre côté pour que l’accompagnement soit le plus positif possible. Nous sommes bien entourés par l’association France Alzheimer et le Clic de Quimperlé. Il faut profiter au maximum de tout ce qui est proposé (café mémoire, groupe de parole, séjour vacances...), des expériences et des astuces des autres aidants aussi. Nous pouvons encore faire beaucoup de choses ensemble et profitons de chaque jour. Jean-Yves a beaucoup d’humour. Ça dédramatise et amène de la légèreté. Un pull à l’envers, ce n'‘est pas bien grave !! Et il est toujours attentionné par des paroles affectueuses, des « mercis », et très vigilant concernant mon sommeil surtout. Il ne faut pas se voiler la face. Nous savons que des difficultés il y en a et il y en aura. Heureusement Jean- Yves n’a pas de douleurs physiques. Même si aujourd'hui pour moi c'est un accompagnement dans la sérénité ; comment tenir physiquement dans la durée ? Nous n'avons plus 20 ans. Enfin plus largement, quelle place accordons-nous aux plus fragiles, à l'humain dans nos sociétés.» Marie Jo et Jean-Yves .

« Papa habitait en Provence, le fief de la famille. Ces trois dernières années, il a beaucoup perdu en autonomie. Mon frère et moi vivons maintenant en Bretagne. Ensemble, tous les trois, nous avons fait le choix d'un rapprochement et papa est arrivé dans la région fin 2020, après le deuxième confinement. Mon frère réside dans un petit village, Rosporden s'est vite imposée. C'est une ville à taille humaine avec
des infrastructures médicales et paramédicales à proximité et la présence de services d'aide à la personne. Grâce à ces derniers, papa peut rester à domicile, son souhait. Entre les aides soignantes et les aides à domicile, il a cinq interventions par jour. Leur présence me soutient dans l'organisation quotidienne. Tous leurs petits gestes comptent, c'est l'intérêt de la présence humaine. Je pense par exemple aux fleurs déposées pour décorer un plat le midi ou aux concours de blagues ! Ils ne sont pas seulement là pour faire leurs heures, ils sont attentifs et me passent un coup de fil au moindre souci. Je peux m'appuyer sur eux. Ils n'imaginent pas à quel point leur présence et leur appui sont précieux pour l'aidant et l'aidé. Je les remercie infiniment. Etre aidant nécessite une organisation millimétrée. Je passe chaque jour voir papa, je fais aussi ses courses et je cuisine pour lui. Sinon il ne mange rien. Cette seule préparation des repas représente deux demi- journées par semaine. Et à côté de ça, je gère le suivi administratif, financier, médical L'organisation de papa passe avant la mienne. Lorsque mon petit-ils est né, je suis partie plusieurs jours. J'ai passé quinze jours à préparer cette absence. Ma crainte c'est qu'un grain de sable se présente et que je ne sois pas là. C'est un poids est lourd à porter. Au quotidien, nous sommes passés d'un foyer de 6 à 2 . J’ai volontairement arrêté de travailler en changeant de région et j'ai démarré ici des activités bénévoles. Je m'occupe de papa et de mes beaux-parents. Et j'ai moins de temps pour moi que lorsque je travaillais ! Je le vois bien, mes moments de temps libre « sautent », mes rendez-vous médicaux aussi. Mais les exemples familiaux sont là. Papa s'est occupé de maman pendant 25 ans, jusqu'à négliger sa santé. Un jour, il a fini à l'hôpital, en insuffisance rénale, cardiaque et respiratoire. Avant ça, ma maman s'était occupée de ma grand-mère. Elle passait tous les jours à l'Ehpad même lorsqu'elle avait eu une chimiothérapie avant.
Cette question de l'aide, de l'accompagnement est un rôle historiquement dévolu aux femmes. Ca faisait partie de leur quotidien, à la maison. La différence aujourd'hui, c'est qu'on commence à en parler, on les identifie, on les rend visible. Ca bouge mais lentement. Moi-même je ne me voyais pas comme aidante, je me sentais illégitime à témoigner. Pour moi l'aidant est à 100% avec l'aidé. J'ai changé d'avis quand je me suis rendue compte que j'allais partout avec mon téléphone, même aux toilettes, de peur de rater un appel. Pour ne rien oublier, j'ai aussi un carnet près de moi, où je note tout, à tout heure du jour et de la nuit.» Corine.
des infrastructures médicales et paramédicales à proximité et la présence de services d'aide à la personne. Grâce à ces derniers, papa peut rester à domicile, son souhait. Entre les aides soignantes et les aides à domicile, il a cinq interventions par jour. Leur présence me soutient dans l'organisation quotidienne. Tous leurs petits gestes comptent, c'est l'intérêt de la présence humaine. Je pense par exemple aux fleurs déposées pour décorer un plat le midi ou aux concours de blagues ! Ils ne sont pas seulement là pour faire leurs heures, ils sont attentifs et me passent un coup de fil au moindre souci. Je peux m'appuyer sur eux. Ils n'imaginent pas à quel point leur présence et leur appui sont précieux pour l'aidant et l'aidé. Je les remercie infiniment. Etre aidant nécessite une organisation millimétrée. Je passe chaque jour voir papa, je fais aussi ses courses et je cuisine pour lui. Sinon il ne mange rien. Cette seule préparation des repas représente deux demi- journées par semaine. Et à côté de ça, je gère le suivi administratif, financier, médical L'organisation de papa passe avant la mienne. Lorsque mon petit-ils est né, je suis partie plusieurs jours. J'ai passé quinze jours à préparer cette absence. Ma crainte c'est qu'un grain de sable se présente et que je ne sois pas là. C'est un poids est lourd à porter. Au quotidien, nous sommes passés d'un foyer de 6 à 2 . J’ai volontairement arrêté de travailler en changeant de région et j'ai démarré ici des activités bénévoles. Je m'occupe de papa et de mes beaux-parents. Et j'ai moins de temps pour moi que lorsque je travaillais ! Je le vois bien, mes moments de temps libre « sautent », mes rendez-vous médicaux aussi. Mais les exemples familiaux sont là. Papa s'est occupé de maman pendant 25 ans, jusqu'à négliger sa santé. Un jour, il a fini à l'hôpital, en insuffisance rénale, cardiaque et respiratoire. Avant ça, ma maman s'était occupée de ma grand-mère. Elle passait tous les jours à l'Ehpad même lorsqu'elle avait eu une chimiothérapie avant.
Cette question de l'aide, de l'accompagnement est un rôle historiquement dévolu aux femmes. Ca faisait partie de leur quotidien, à la maison. La différence aujourd'hui, c'est qu'on commence à en parler, on les identifie, on les rend visible. Ca bouge mais lentement. Moi-même je ne me voyais pas comme aidante, je me sentais illégitime à témoigner. Pour moi l'aidant est à 100% avec l'aidé. J'ai changé d'avis quand je me suis rendue compte que j'allais partout avec mon téléphone, même aux toilettes, de peur de rater un appel. Pour ne rien oublier, j'ai aussi un carnet près de moi, où je note tout, à tout heure du jour et de la nuit.» Corine.

« Anthony a 40 ans. C’est mon fils. Lorsqu’il est né, j’habitais en Seine-et-Marne. A l'époque, il n'existait quasiment aucune structure pour les personnes en situation de handicap. Au contraire, c'était même caché. J'en ai entendu des phrases du genre : « vous pourriez le laisser chez vous ». Ça fait très mal. Il fallait tout le temps se débrouiller, à commencer par sa scolarisation. A l'époque, nous avions une enseignante qui acceptait de recevoir cet enfant “extraordinaire” comme je l'appelle. C'était plutôt les
autres parents d'élèves qui voyaient ça d'un mauvais œil ou refusaient carrément. Il a fallu mener beaucoup de « bagarres » pour faire accepter cette situation.
Lorsque Anthony était petit, j'aurais aimé avoir de l’aide de la part de mon frère, ma maman, pour souffler un peu. Mais ça n'a jamais été le cas. Nous consacrions notre temps à notre fils. Rien n'était structuré. On se formait sur le tas, pour tout. Je me suis engagé dans des association s pour les personnes en situation de handicap. D'abord
comme simple membre du conseil d'administration puis jusqu'à en devenir président. Pendant ces années à Sens (Yonne), j'ai participé à la créations de structures adaptées (foyer de vie ou maison d'accueil spécialisée). Là aussi, ça ressemblait à de véritables combats, contre les institutions locales notamment. Le moins qu’on puisse dire, c'est qu'elles, non plus, n'étaient pas toujours enchantées. Par contre, quelle joie d'y retourner. C'est l'une des plus belles choses qui me soit arrivée : y retrouver les résidents, leurs câlins et leurs gestes pleins d'attentions. Quand je me suis installé dans l'Yonne, Anthony a aussi pu avoir une place dans un foyer de vie. Il y est depuis ses 18 ans. Il n'est pas capable de lire, d'écrire ni de travailler. Il a besoin de ses repères.
Lorsque j’ai déménagé en Bretagne, c’est lui qui a souhaité rester ici. Maintenant nous ne partageons plus notre quotidien avec lui. Le rôle d'aidant demande moins de temps et d'énergie que lorsqu'Anthony était petit. Aujourd'hui, nous l'accueillons régulièrement à la maison, avec Catherine mon épouse. Mais aller le chercher implique de traverser une partie de la France. Il faut rester positif mais combien de temps pourrons-nous encore le faire ? Nous cherchons d'autres moyens de transport pour le faire venir ici, mais pour l'instant nous n'avons pas trouvé de solutions alternatives. » Roland et Catherine.
autres parents d'élèves qui voyaient ça d'un mauvais œil ou refusaient carrément. Il a fallu mener beaucoup de « bagarres » pour faire accepter cette situation.
Lorsque Anthony était petit, j'aurais aimé avoir de l’aide de la part de mon frère, ma maman, pour souffler un peu. Mais ça n'a jamais été le cas. Nous consacrions notre temps à notre fils. Rien n'était structuré. On se formait sur le tas, pour tout. Je me suis engagé dans des association s pour les personnes en situation de handicap. D'abord
comme simple membre du conseil d'administration puis jusqu'à en devenir président. Pendant ces années à Sens (Yonne), j'ai participé à la créations de structures adaptées (foyer de vie ou maison d'accueil spécialisée). Là aussi, ça ressemblait à de véritables combats, contre les institutions locales notamment. Le moins qu’on puisse dire, c'est qu'elles, non plus, n'étaient pas toujours enchantées. Par contre, quelle joie d'y retourner. C'est l'une des plus belles choses qui me soit arrivée : y retrouver les résidents, leurs câlins et leurs gestes pleins d'attentions. Quand je me suis installé dans l'Yonne, Anthony a aussi pu avoir une place dans un foyer de vie. Il y est depuis ses 18 ans. Il n'est pas capable de lire, d'écrire ni de travailler. Il a besoin de ses repères.
Lorsque j’ai déménagé en Bretagne, c’est lui qui a souhaité rester ici. Maintenant nous ne partageons plus notre quotidien avec lui. Le rôle d'aidant demande moins de temps et d'énergie que lorsqu'Anthony était petit. Aujourd'hui, nous l'accueillons régulièrement à la maison, avec Catherine mon épouse. Mais aller le chercher implique de traverser une partie de la France. Il faut rester positif mais combien de temps pourrons-nous encore le faire ? Nous cherchons d'autres moyens de transport pour le faire venir ici, mais pour l'instant nous n'avons pas trouvé de solutions alternatives. » Roland et Catherine.

« 2023 : mon père, bientôt 82 ans, est évalué GIR11 dans un établissement du Finistère, choisi et bienveillant. L’évolution de sa maladie à corps de Lewy, maladie neuro-évolutive invalidante, a rendu le maintien à domicile impossible. Depuis un an et après six ans d’implication forte dont trois à temps plein, je retrouve un équilibre instable et mes douleurs physiques se réduisent. Une situation fréquente, simple à résumer mais si douloureuse et complexe à exprimer car ces marathons de plusieurs années sont émotionnellement et physiquement déstabilisantes, stressantes, éreintantes. Devant l’ampleur des difficultés, j’ai préféré suspendre mon activité professionnelle pour éviter que toute la famille ne soit impactée. Dans mon cas, c'était possible et cohérent, ce qui est rarement réaliste. A posteriori, je commence seulement le parcours Assurance Vieillesse du parent au foyer2 (AVPF), à défaut de bons conseils au bon moment. J’ai commencé à être aidant sans le savoir puisqu’il a fallu deux ans pour établir un diagnostic fiable. Le 30 janvier 2020, le verdict tombe. Ensuite : confinement dans le Finistère, importantes dégradations cognitives et comportementales, vie sous le même toit, reprise d’un parcours médical à Quimper, rendez-vous, gestion des lieux de vie Paris-Finistère, vente de maison, recherche d’Ehpad. Dossiers, rdv, hospitalisations, surveillance, planning, rassurer, stimuler, organiser,
transporter alors que les dégradations neurologiques s’enchainent par paliers successifs. Quelle dépense d’énergie pour aider et protéger le proche mais aussi pour comprendre et mettre en place les moyens d’exercer cette mission d’aidant subie plus que choisie. Bonheurs et répits furtifs, pleurs et paracétamol sont nos béquilles mais la dignité et l’humanité sont nos moteurs. Dès 2019, l’accompagnement des bénévoles de l’A2MCL m’a permis d’anticiper au mieux un scénario que nous sommes si nombreux à vivre. Je suis naturellement devenue bénévole aussi, consciente de l’aide précieuse qu’une association peut apporter aux aidants. Mon père est en établissement, le rôle d’aidant a évolué, l’intensité est bien moindre qu’à domicile, la relation plus simple et apaisée : prendre la main, parler doucement, continuer à sortir, entendre les bruits du quotidien, de la nature, les voix des enfants, continuer à sentir qu’on est important, que la vie même diminuée peut avoir une valeur quand on ne peut plus choisir ce qu’on devient. Est qu'une société de performance peut s’intéresser et valoriser l’humanité et les nombreuses compétences de ces millions d’aidants qui préservent à bout de bras et d’amour la dignité de leur proche, leur droit de rester vivant avec nous malgré le handicap, la maladie, la dépendance ? Ces millions d’heures de bénévolat familial commencent à être reconnues, mais si l’esprit de la loi progresse, la mise en œuvre demeure poussive et très mal connue des professionnels eux même pour une couverture sociale minimale et une reconnaissance sociétale mineure. Pourtant, tous ces seniors, actifs, parfois jeunes, certains mineurs qui œuvrent en silence pour le droit de leur proche de vivre dignement malgré le manque de moyens humains à domicile et dans les établissements spécialisés méritent la considération d’une société qui oublie facilement que les malheurs n’arrivent pas qu’aux autres. » Gaëlle.
transporter alors que les dégradations neurologiques s’enchainent par paliers successifs. Quelle dépense d’énergie pour aider et protéger le proche mais aussi pour comprendre et mettre en place les moyens d’exercer cette mission d’aidant subie plus que choisie. Bonheurs et répits furtifs, pleurs et paracétamol sont nos béquilles mais la dignité et l’humanité sont nos moteurs. Dès 2019, l’accompagnement des bénévoles de l’A2MCL m’a permis d’anticiper au mieux un scénario que nous sommes si nombreux à vivre. Je suis naturellement devenue bénévole aussi, consciente de l’aide précieuse qu’une association peut apporter aux aidants. Mon père est en établissement, le rôle d’aidant a évolué, l’intensité est bien moindre qu’à domicile, la relation plus simple et apaisée : prendre la main, parler doucement, continuer à sortir, entendre les bruits du quotidien, de la nature, les voix des enfants, continuer à sentir qu’on est important, que la vie même diminuée peut avoir une valeur quand on ne peut plus choisir ce qu’on devient. Est qu'une société de performance peut s’intéresser et valoriser l’humanité et les nombreuses compétences de ces millions d’aidants qui préservent à bout de bras et d’amour la dignité de leur proche, leur droit de rester vivant avec nous malgré le handicap, la maladie, la dépendance ? Ces millions d’heures de bénévolat familial commencent à être reconnues, mais si l’esprit de la loi progresse, la mise en œuvre demeure poussive et très mal connue des professionnels eux même pour une couverture sociale minimale et une reconnaissance sociétale mineure. Pourtant, tous ces seniors, actifs, parfois jeunes, certains mineurs qui œuvrent en silence pour le droit de leur proche de vivre dignement malgré le manque de moyens humains à domicile et dans les établissements spécialisés méritent la considération d’une société qui oublie facilement que les malheurs n’arrivent pas qu’aux autres. » Gaëlle.
1. Le GIR (de 1 à 6) correspond au niveau de perte d’autonomie d’une personne âgée. Elle sert à déteminer si le demandeur peut prétendre à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).
2. L'AVPF permet d’être affilié par la CAF gratuitement afin de garantir des droits à la retraite durant la période de cessation ou de réduction du temps de travail.
2. L'AVPF permet d’être affilié par la CAF gratuitement afin de garantir des droits à la retraite durant la période de cessation ou de réduction du temps de travail.